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En matière de santé mondiale, il n'y a pas de « eux »... seulement de « nous »

Némésis médicale : l’expropriation de la santé

Lorsque leur développement dépasse certains seuils critiques, certaines institutions deviennent les principaux obstacles à la réalisation des objectifs qu’elles visent. Dans ce livre paru en 1975 (anniversaire rond), Ivan Illich développe la théorie systématique de cette « contre-productivité paradoxale », version moderne du mythe de la Némésis (déesse grecque de la vengeance), à propos de la médecine. Il critique tout particulièrement la diminution de la santé des hommes sous l’effet du développement sans fin de l’institution médicale, en soulignant l’inefficacité globale d’une médecine coûteuse, la perte de la capacité personnelle des individus de s’adapter à des environnements variés et le mythe de l’immortalité qui conduit au déni de la douleur, du vieillissement et de la mort.

Ivan Illich (1926-2002)

Philosophe et penseur de l’écologie politique, il a fondé, au Mexique, le Centre international de documentation (CIDOC). Il est l’auteur d’une œuvre importante qui a contribué à l’analyse critique de la société industrielle, parmi laquelle on trouve les deux best-sellers Une société sans école (1971) et La Convivialité (1973).

Ivan Illich, 350 pages, Point 2021 (titre anglais : Limits to medecine)

 

Panser la santé mondiale

La crise du Covid a rappelé l’importance et la fragilité des systèmes sanitaires nationaux et internationaux. Elle a également mis en lumière les profondes inégalités mondiales en la matière. Et si l’on suit l’OMS en définissant la santé non pas uniquement comme l’absence de maladie, mais comme un état de complet bien-être physique, mental et social, alors les fractures entre pays, mais aussi entre classes, genres et identités ethno-raciales apparaissent encore plus abyssales.

Au-delà de l’accès à la santé, c’est aussi dans sa production même que s’observent les déséquilibres et les relations de pouvoir entre et au sein des pays. La lutte autour des brevets, par exemple, montre à quel point les savoirs médicaux sont encore trop souvent produits et appropriés par une poignée de sociétés privées du Nord pour répondre aux « besoins » de santé… du Nord. Et l’analyse des « chaînes mondiales du care » révèle l’étendue du pillage opéré par les pays riches dans les « ressources humaines sanitaires » du Sud.

Face à ces injustices, les appels à une « décolonisation de la santé mondiale » se multiplient, non sans soulever leur propre lot de débats et de luttes de pouvoir. Reste un enjeu fondamental : comment élaborer d’authentiques « politiques publiques sanitaires mondiales » permettant de réduire les inégalités, de démocratiser les savoirs et de sortir la santé des logiques marchandes dans lesquelles elle est enfermée aujourd’hui ?

 

Sous la direction de Cédric Leterme, 180 pages, Syllepses 2022

Il s’agit du volume XXIX du périodique Alternatives Sud, qui fait partie des revues disponibles au CITIM.

Le grand secret de l’industrie pharmaceutique

Au nord comme au sud de la planète, l’industrie pharmaceutique n’a pas bonne presse et semble avoir réussi à gâcher le capital de sympathie que lui avaient valu ses grandes découvertes des années 1960 et 1970. Ainsi, l’opinion publique a été choquée quand elle a appris que les plus grands laboratoires pharmaceutiques mondiaux attaquaient en justice le gouvernement d’Afrique du Sud qui voulait fabriquer et importer des médicaments génériques pour soigner les malades du sida. Et dans beaucoup de pays, les mêmes laboratoires ont réussi jusqu’à présent, de mille manières, à freiner le recours aux génériques, ces médicaments bon marché qui aideraient pourtant à réduire le «  trou de la Sécu ». En rappelant ces dérives, Philippe Pignarre, qui a travaillé dix-sept ans dans l’industrie pharmaceutique, explique comment les industriels du médicament en sont arrivés là. Et comment ils tentent de convaincre les gouvernements du caractère inéluctable de cette dérive. Surtout, il s’interroge sur les causes de ce scandale. L’industrie pharmaceutique serait-elle dirigée par des hommes assoiffés de profits et d’abord soucieux de «  marchandiser » cyniquement la souffrance humaine ? Cette explication est trop simple et, surtout, elle ne correspond pas à la réalité. L’enquête minutieuse menée par l’auteur montre que l’industrie pharmaceutique a changé pour des raisons beaucoup plus profondes : elle cache un secret qui menace son existence même. L’objectif principal de ce livre est de dévoiler ce secret et de proposer des moyens d’agir pour inverser le cours actuel.

Philippe Pignarre, 196 pages, La Découverte, 2004

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