Aujourd’hui, la demande de ressources de toutes sortes, de l’eau au lithium, augmente rapidement. Ce numéro traite des conflits pour la vie et la nature (ou, en termes capitalistes, des conflits pour des « ressources ») qui caractérisent notre nouvelle ère de pénurie, fondée sur un système capitaliste multipolaire et en démondialisation. Ce paradigme, s’il n’est pas remis en question, promet davantage de guerres et de destruction.
La lutte pour un bien aussi fondamental que l’eau dans plusieurs régions d’Afrique, par exemple, est extrêmement inquiétante. C’est un facteur majeur des multiples crises humanitaires qui s’y déroulent et un présage qui suscite peu d’attention ou d’action malgré son ampleur. Dans le même temps, la recherche par l’UE de soi-disant « énergies vertes », telles que l’hydrogène au Maghreb et le lithium constitue une tentative de maintenir un mode de vie impossible et non durable qui a des connotations colonialistes évidentes. En examinant de plus près les dynamiques en jeu, les engagements tant vantés de l’UE en faveur des droits humains et de l’environnement semblent s’estomper.
Et à mesure que ces principes s’estompent, ce sont les restes toxiques du « développement économique » et du « progrès » qui apparaissent : l’expansion mondiale des zones de sacrifice, qui est définie et diagnostiquée dans une analyse de l’Amérique latine. La galerie de photos montrant certaines des zones de sacrifice est une tentative de rendre l’atrocité tangible. Elle est en effet horriblement réelle.
Ce qui est également très réel, mais qui reste abstrait et complexe, c’est le rôle de la spéculation financière dans la marchandisation et l’exploitation de la vie et la nature au nom du profit. Dans son article sur ce sujet, Antoniya Argirova montre comment nous pouvons tous contribuer personnellement, mais sans le savoir, à de tels projets douteux.
Nous pourrions continuer à descendre dans le terrier du lapin, en analysant les dernières frontières de la croissance cancéreuse toxique, comme l’exploitation minière de l’espace et l’exploitation des grands fonds marins… mais nous n’irons pas jusque là. Pour l’instant.
Nous allons plutôt nous pencher sur deux voies qui brisent le paradigme actuel. D’une part, il y a le travail effectué en faveur des droits de la nature et d’autre part, les perspectives de décolonisation de la coopération au développement et de la construction de la paix. Et enfin, avant de clore le dossier, nous examinons le conflit autour de la terre et du logement au Luxembourg.
Dans ce numéro de brennpunkt, nous revenons également sur les résultats troublants des récentes élections aux Philippines, où le fils de l’ancien dictateur Ferdinand Marcos a été élu président et la fille de l’actuel président Rodrigo Duterte, responsable de la mort de milliers de personnes dans sa «guerre contre la drogue» et de la répression brutale de la dissidence politique, est devenue vice-présidente.
La lecture de ce dossier est complexe et donne à réfléchir. Mais ce n’est pas le moment de fermer les yeux ou de se dérober par peur de notre « Zeitgeist ». S’il y a un trait commun entre la construction de la paix et les droits de la nature, c’est la nécessité d’un dialogue sérieux et l’élargissement de nos propres identités pour inclure les autres.