Contexte et historique du mouvement
L’accaparement des terres, de l‘eau, des semences et des ressources naturelles au profit de certains acteurs économiques, politiques et privés tels que des multinationales, des institutions financières, des gouvernements ou encore des individus, est devenu un phénomène récurrent dans le monde. Ce phénomène aggrave la pauvreté dans les milieux ruraux et périurbains et freine les efforts consentis pour un développement durable basé sur la justice sociale, l’agriculture familiale et l’agroécologie paysanne, le bien-être des populations ainsi que des systèmes alimentaires locaux dans le cadre de la souveraineté alimentaire.
Les mouvements paysans, les mouvements sociaux et les organisations de la société civile (OSC) se sont retrouvés pour unir leurs efforts afin de soutenir et mobiliser les communautés et d’interpeller les décideurs et de dénoncer les dégâts causés par un système économique et politique basé sur les profits et non sur le bien-être des populations. La Convergence Globale des Luttes pour la Terre et l’Eau – Afrique de l’Ouest s’est appuyée sur la déclaration « Droits à la terre et à l’eau, une lutte commune » écrite collectivement durant le Forum Social Africain de 2014 à Dakar au Sénégal. Le partage des idées les a amenés à reconnaître la solidarité essentielle des luttes et à se réunir de nouveau lors du Forum Social Mondial à Tunis en mars 2015 pour continuer ce dialogue avec des mouvements et organisations du monde entier afin de continuer à construire une Convergence globale des luttes sur la Terre et l’eau. La Déclaration de Dakar a été donc consolidée et est dénommée «Déclaration de la Convergence Globale des luttes pour la terre et l’eau». C’est ainsi que de retour de Tunis, les organisations engagées depuis Dakar ont décidé de consolider l’organisation de la Convergence en Afrique de l’Ouest. Une rencontre des acteurs de la Convergence de l’Afrique de l’Ouest s’est tenue en juin 2015 au Centre international de formation en agroécologie paysanne de Nyéléni (CIFAN) au Mali pour lancer officiellement le mouvement. Des OSCs et OP de 12 pays de la sous-région étaient présentes. Durant cette rencontre, un plan d’action a été validé dont la première action phare fut l’organisation d’une caravane en Afrique de l’Ouest. Ainsi, en 2016 a eu lieu la première édition de la Caravane Ouest-africaine. Cette année s’est déroulée la deuxième édition de la Caravane Ouest Africaine avec pour thème : « Droits à la terre à l’eau et aux semences paysannes, une lutte commune ! ».Elle avait pour objectifs de contribuer à une transformation sociale en Afrique de l’Ouest, notamment par l’amélioration des politiques et les textes législatifs en cours de ratification, d’élaboration ou de révision sur le foncier, l’eau, les semences paysannes, le pastoralisme, la pêche, les APE dans l’espace CEDEAO pour défendre nos droits dans le cadre de la souveraineté alimentaire en promouvant l’agroécologie paysanne qui s’appuie sur les droits humains, droit à l’alimentation,… De la Guinée Conakry à la destination finale qui est le point de chute au Bénin, en passant par la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Togo, plusieurs activités ont été prévues.Des conférences populaires, des projections de films et des rencontres entre communautés mais aussi avec des élus, des autorités administratives et institutionnelles ont émaillé la caravane tout au long de son itinéraire. Enfin le Livret Vert, document de revendications et de propositions de la CGLTE OA, fut remis aux autorités et aux représentants des gouvernements et de certaines institutions sous-régionales notamment l’UEMOA, la CEDEAO et l’UA.
Implication du CADR dans l’organisation de la deuxième édition de la caravane ouest africaine
Membre de la convergence depuis janvier 2018, le Centre d’Action pour le Développement Rural (CADR), structure partenaire de l’Action Solidarité Tiers Monde (ASTM) depuis l’année 2013, a assuré la coordination des activités de l’étape de Kpalimé (Chef-lieu de la préfecture de Kloto) au Togo et a mobilisé les organisations de la société civile et les organisations paysannes. La caravane s’est déroulée à Kpalimé à travers l’organisation d’une soirée culturelle le 23 novembre, d’une marche pacifique pour la souveraineté alimentaire et d’une conférence sur l’agroécologie et la souveraineté alimentaire le 24 novembre. Elle s’est présentée comme une occasion pour le CADR et les organisations membres de la convergence de mettre en avant leurs activités. A cet effet, au cours de la conférence, trois panels ont été animés à savoir :
-les politiques agricoles du Togo et la prise en compte de l’agroécologie,
-le partage d’expériences en agroécologie d’autres pays de la sous-région ouest africaine, et
-la présentation de l’initiative Panier Bio Kpalimé, une initiative de CADR et de GAVISA Togo.
En effet, l’autonomie de l’agroécologie inverse le contrôle des marchés mondiaux et favorise l’autogestion des communautés. Cela signifie que nous réduisons l’utilisation des intrants extérieurs et implique de repenser les marchés pour les baser sur les principes de l’économie solidaire et de l’éthique de la production et de la consommation responsables. Ce concept d’autonomie promeut des circuits courts équitables et la vente directe. Cela suppose des relations transparentes entre producteurs et consommateurs, fondées sur une solidarité basée sur le partage des risques et bénéfices.A la fin de la conférence, une déclaration dite « Déclaration de Kpalimé » fut ; elle a pris en compte les préoccupations et les besoins des populations à la base. En outre, le Livret Vert (Document de plaidoyer) de la Convergence a été remis au préfet de Kloto.Une équipe locale de suivi des recommandations a été mise en place pour suivre la mise en œuvre des recommandations.
L’étape ultime du Bénin et premières impressions « Remise du Livret Vert »
La cérémonie de clôture de la caravane s’est déroulée le 29 Novembre 2018 dans la salle de conférence du Séminaire Saint Jean Eudes à Cotonou, point de chute de la caravane. Sous la présidence du secrétaire générale du Ministère de l’Agriculture, de l’Elevage et de la Pêche, représentant son Ministère et le Président de la République du Bénin, cette cérémonie a permis aux caravaniers de formuler des recommandations aux autorités de la CEDEAO contenues dans une déclaration finale.
Pour le représentant du gouvernement béninois, la caravane a accompli une œuvre gigantesque et l’histoire retiendra le nom tous les acteurs qui y ont contribué. Le ministre est un intellectuel mais aussi un grand paysan. C’est pour cela qu’il avait souhaité personnellement être présent mais son agenda ne le lui a pas permis a-t-il ajouté. Il a estimé que les caravaniers ont bien visé avant de prendre pour devise « la terre ma vie, l’eau ma vie, les semences ma vie » car pour lui, les hommes peuvent migrer mais la terre et l’eau ne migreront pas et quand on parle de semences, il n’y a pas que les semences agricoles, mais aussi les semences humaines qui sont à la base de toute production. Ce sont des biens communs et donc des éléments essentiels de notre existence. Il a affirmé que toutes les voies qui ont porté le message comme lui ne manqueront pas de les transmettre à leurs autorités respectives et que, désormais, une heure a sonné pour les paysans. Il a pris l’engagement solennel avec les caravaniers que le combat est déjà gagné.
Les gens veulent être comme des Mandéla mais ne veulent pas aller en prison, les gens veulent être des Sankara mais ne veulent pas mourir. Les caravaniers sont prêts à aller loin pour que l’Afrique soit totalement libérée. Le but de la caravane est de démontrer aussi que l’intégration ouest-africaine est aussi possible en traversant plusieurs frontières. La caravane a permis de briser trois barrières à savoir la barrière linguistique, générationnelle et celle de la frontière. Aujourd’hui l’Afrique tend la main pour manger mais demain, l’Afrique donnera à manger aux autres. C’est ce qui justifie l’organisation de cette caravane.
C’est sur ces mots que les caravaniers ont exprimé leurs attentes et espoirs contenus dans la déclaration finale.Ainsi, pour les organisations, il s’agit de :
-renforcer les synergies des organisations engagées dans la lutte pour la terre, l’eau, les semences paysannes, le pastoralisme, la pêche paysanne afin de développer une vision commune pour un changement global dans nos pays ;
-œuvrer pour le renforcement de la cohésion sociale pour une paix durable ;
-renforcer la promotion des systèmes semenciers paysans et les systèmes alimentaires locaux et traditionnels qui ont maintenu la souveraineté alimentaire sur le continent africain depuis des siècles ;
-vulgariser largement les pratiques agroécologiques paysannes auprès des populations rurales ;
-lutter contre toute forme d’accaparement des ressources naturelles (terre, eau, semences paysannes).Pour les autorités politiques des pays, il s’agit de :
-mettre fin au phénomène de l’accaparement des ressources naturelles et impliquer les populations dans l’élaboration des politiques foncières et agricoles ;
-arrêter toute forme de criminalisation des défenseurs des droits humains ;
-garantir l’accès des femmes et des jeunes aux ressources notamment la terre, l’eau et les semences paysannes ;
-ratifier la convention de l’OIT relatif à la protection des droits des travailleurs domestiques.
Pour la CEDEAO, il s’agit pour l’institution sous régionale de contribuer à :
-la mise en place des politiques pour une meilleure protection du patrimoine foncier des communautés locales et la reconnaissance des droits coutumiers dans les lois foncières ;
-l’harmonisation des politiques de pêche au niveau sous-régional pour une meilleure gouvernance des ressources halieutiques ;
-la promotion de l’agroécologie paysanne pour une meilleure protection de la biodiversité qui est une alternative au changement climatique ;
-la prise des mesures idoines pour barrer le bradage des forêts en mettant en œuvre les directives relatives à la protection des forêts ;
-l’harmonisation des codes miniers au niveau sous-régional et veiller à l’application de la responsabilité sociétale et environnementale des entreprises ;
-l’application de l’accord de Maputo consacrant 10% du budget national à l’agriculture ;
-la mise en œuvre du traité de la CEDEAO pour la libre circulation des personnes et des biens et des mécanismes de suivi pour sa meilleure application au niveau des frontières ;
-l’implication de la convergence dans le processus d’élaboration des politiques de développement notamment sur les ressources naturelles.
Pour finir les caravaniers, d’une même voix, espèrent une CEDEAO des peuples avec les femmes et les jeunes au cœur de la souveraineté alimentaire.C’est ainsi que le livret vert a été symboliquement remis au représentant du président de la république Béninoise par le responsable Afrique de l’Ouest de la Convergence.
Mobilisons-nous pour une bonne gouvernance des ressources naturelles!