Dans le paradigme sécuritaire : la militarisation

La notion de sécurité est devenue une expression (et solution) passe-partout pour répondre à un large éventail de questions : qu’il s’agisse des catastrophes environnementales et des risques croissants liés au dérèglement climatique, ou de la stabilité économique et financière des marchés et du système (à tout prix), si ce n’est pour répondre aux suspects habituels, aux dangers de la pauvreté ou de la migration, en particulier en provenance du Sud global. Qu’est-ce qui ne peut être justifié aujourd’hui au titre de la sécurité nationale ?

Ce dossier explore une tendance particulière du paradigme sécuritaire actuel : la militarisation croissante. Il s’agit du processus par lequel un pays se prépare à un conflit ou à une guerre. En avril 2024, l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI) a annoncé que les dépenses militaires dans toutes les régions du monde avaient augmenté en 2023 pour atteindre le niveau le plus élevé jamais enregistré, soit 2443 milliards de dollars (1). Il s’agit de la plus forte augmentation d’une année sur l’autre depuis 2009, soit 6,8 %. Selon le SIPRI, cette hausse peut être attribuée à « la guerre en cours en Ukraine et à l’escalade des tensions géopolitiques en Asie, en Océanie et au Moyen-Orient ». Bien que les dépenses militaires aient augmenté dans les cinq régions géographiques, les plus fortes hausses ont été enregistrées en Europe, en Asie et en Océanie, ainsi qu’ au Moyen-Orient.

Que signifie cette militarisation pour nous, au Luxembourg, dans l’Union européenne, sur Terre ? Les articles du dossier proposent une analyse diversifiée. Conrad Lutte examine l’impact idéologique de la militarisation, à savoir la perpétuation de masculinités militarisées. Raymond Klein met en avant la dynamique qui se met en place entre les dépenses militaires et l’aide publique au développement (APD) des pays de l’OCDE après l’invasion russe de l’Ukraine. Karin Zennig analyse la manière dont la crise climatique est réinterprétée comme une question de sécurité et ses implications, en particulier pour les personnes les plus vulnérables. Qu’en est-il du Luxembourg ? Raymond Klein passe en revue les effets de la course aux armements au Grand-Duché. Enfin, Tom Kucharz examine la direction prise par l’Union européenne, sous la houlette de la Commission européenne. Pour nos lecteurs en ligne (et ceux qui veulent le découvrir), un résumé du rapport d’Ecologistas en Acción couvrant la politique actuelle de défense, de commerce et de migration de l’UE définit le repositionnement de l’UE d’un capitalisme « vert » et numérique vers ce qu’ils appellent un capitalisme « vert olive » ou « vert militaire »(2).

Comme d’habitude, le dossier ne couvre que quelques aspects. Mais nous espérons qu’ils suffiront à déclencher des réflexions sur les conséquences du paradigme sécuritaire qui semble « automatique », « inévitable » et apparemment incontestable : la préparation à la guerre (contre toutes les crises sociales, économiques, politiques et environnementales). Réduire notre champ d’action à ce paradigme ne laisse pas de place à la construction de la solidarité indispensable pour prendre soin des biens communs et faire face aux crises qui se chevauchent.

 

(1) Nan, T. et all, Trends in World Military Spending, 2023, SIPRI, Avril 2024, Stockholm, https://www.sipri.org/publications/2024/sipri-fact-sheets/trends-world-military-expenditure-2023 (consulté le 19 Septembre 2024).

 (2) Un résumé du rapport est disponible sur www.brennpunkt.lu.

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