Lorsqu’en 1973 un petit groupe de jeunes décida d’éditer une revue sur la coopération et le développement international, peu de gens auraient parié qu’elle existe encore 50 ans plus tard. Avec ses textes tapés à la machine à écrire et ses petites illustrations découpées et collées en marge des articles, le tout copié en petit nombre à l’aide d’une polycopieuse manuelle, le premier numéro du Brennpunkt ressemble aujourd’hui à un journal d’écoliers du fondamental.
Mais le contenu de la revue était évidemment d’une toute autre qualité que son apparence. Dans un paysage médiatique dominé à l’époque par quelques journaux, avant tout par le très conservateur Luxemburger Wort, le Brennpunkt proposait un changement de perspective novateur. L’actualité du premier choc pétrolier y était présentée non pas selon la narration dominante des centres du pouvoir, mais à partir du vécu des millions de personnes qui composaient ce qu’on appelait alors le Tiers Monde. Le sous-développement n’y était pas caractérisé comme le résultat d’un processus de rattrapage mal négocié, mais comme la conséquence des dépendances économiques et politiques mises en place par les pays du Nord.
Ce changement de perspective est ce qui caractérise le Brennpunkt jusqu’à nos jours et il est toujours aussi pertinent. Car si l’offre en matière d’information s’est considérablement élargie, le point de vue des populations marginalisées de la planète reste largement ignoré. Pourtant, nous ferions bien de nous intéresser davantage à ce qu’il se passe dans les bidonvilles d’Amérique centrale, dans les villages reculés de la savane africaine ou sur les petits marchés du subcontinent indien. Les réflexions sur l’avenir de la planète, sur les évolutions politiques et sur de nouvelles formes d’organisation sociétale y sont souvent plus avancées que dans nos forums occidentaux.
Le Brennpunkt enrichit le débat public au Luxembourg en relayant les idées, les luttes, les doléances et les espoirs des peuples du Sud et plus particulièrement des acteurs de la société civile. Alors que nos sociétés montrent une dangereuse tendance à se renfermer sur elles-mêmes et à se complaire dans un nombrilisme suffocant, ces réflexions venues d’ailleurs sont souvent surprenantes et inspirantes. Elles nous aident à voir d’un œil plus critique notre propre rôle dans le système mondial et à trouver de nouvelles solutions aux nombreux défis auxquels nous sommes tous confrontés.
D’accord, l’influence du Brennpunkt sur l’opinion publique luxembourgeoise est à première vue limitée à cause de son faible tirage. Mais il ne faut pas non plus sous-estimer sa contribution aux débats des dernières décennies en ce qui concerne la politique internationale et les enjeux du développement durable. Surtout dans le secteur de la coopération et plus particulièrement dans la communauté des ONG, la revue a très souvent lancé les débats, cristallisé les opinions et façonné les argumentaires. Elle a sans doute ajouté une pierre importante à la construction d’une coopération luxembourgeoise qui jouit aujourd’hui d’une bonne réputation.
En 1973, un groupe de jeunes a décidé d’éditer une revue sur la coopération et le développement international parce que les journaux de l’époque refusaient de prendre en considération leur point de vue. C’était le début d’une belle aventure qui dure depuis 50 ans et qui, espérons-le, perdura encore pendant de nombreuses années.