Après notre dernier dossier sur la reconquête de la démocratie, nous examinons de plus près le rôle d’un groupe de personnes qui est perçu comme une minorité dans la société mais qui ne l’est pas. Il comprend la moitié de la population mondiale. Les femmes du monde entier voient leurs droits systématiquement remis en cause … quand ils ne sont pas tout simplement bafoués.
Le dossier du Brennpunkt 314 s’interroge sur le rôle des femmes et du développement sous différents angles et continents. Les articles traitent du rôle des femmes qui travaillent pour le développement dans des domaines divers : en tant qu’agricultrices, en tant que femmes défenseures des droits humains, en tant qu’artistes rebelles, en tant que communicatrices et créatrices de communautés, en tant que soignantes, et en tant que féministes franches et critiques du patriarcat et du capitalisme.
L’oppression des femmes se matérialise par des restrictions à posséder des terres (selon le rapport de la Banque mondiale de 2019, dans la moitié du monde, les femmes se voient refuser l’égalité d’accès à la terre et aux droits de propriété malgré les lois), à posséder une voix (même en Europe, le droit de vote n’a été acquis qu’au 20ème siècle, l’accès à l’éducation a été largement et historiquement restreint) et même à posséder leur corps (l’accès à un avortement sûr et légal, la question des espaces sécurisés pour les femmes, la violence domestique comme un crime mineur, et l’existence de féminicides sont autant d’objets de débat même dans le monde développé).
Lorsque le droit des femmes à la propriété est remis en cause (propriété de la terre, de la voix ou du corps), la politique est profondément personnelle. La propriété de la terre (droits de propriété) est le pilier de l’existence du capitalisme. La propriété de la voix est le pilier de l’existence dans la sphère politique de la société. La propriété du corps est le pilier de l’existence elle-même. Ce qui est refusé aux femmes, c’est leur propre existence, au-delà de leur statut de simples objets.
L’oppression des femmes devient désolante lorsqu’on croise les intersectionnalités (nationalité, couleur de peau, classe économique, entre autres). Les luttes des femmes blanches de classe moyenne restent réelles et difficiles, en dépit de tous les progrès réalisés au cours du siècle dernier… Pourtant, les réalités extrêmes vécues par des femmes d' »origine indigène » dans les zones rurales du Sud (et dans une certaine mesure, dans les pays développés) vont bien au-delà.
Les luttes des femmes sont largement considérées dans la sphère scientifique et politique comme étant de nature inférieure : quelque chose qui ne mérite pas d’être abordé ou qui doit rester dans l’espace personnel-domestique-intime. Elles sont encore moins dignes d’intérêt lorsqu’elles traversent des intersectionnalités. C’est peut-être la raison pour laquelle la plupart des articles appelle à la reconnaissance et à la visibilité des efforts des femmes, à la critique par les femmes du système du capitalisme et du patriarcat, et à alternatives pratiques qu’elles proposent à l’encontre du capitalisme et du patriarcat. Cette visibilité s’accompagne d’une prise de conscience de cette intersectionnalité particulière.
Tout comme la nature, les femmes apparaissent dans le système actuel comme des territoires à occuper (s’ils ne sont pas déjà occupés). Les féministes soutiennent que la défense de la Terre (la Terra Madre, la Pachamama, Gaia, etc …) est une extension de la même situation critique que celle de la défense des droits des femmes. Par conséquent, les femmes présentent avec leurs voix, leurs corps et leur identité, des solutions qui tentent une compréhension holistique des crises existentielles actuelles par la convergence des luttes.