La société civile mise à mal

Au terme d’une année mouvementée à bien des égards, nous vous présentons un numéro quelque peu inhabituel de notre revue « brennpunkt drëtt welt – le magazine critique sur le développement ».

Particulier tout d’abord parce que ce numéro est le résultat d’une décision plutôt « spontanée » prise en novembre 2024 et n’est donc pas « planifié » comme c’est normalement le cas. Le temps de préparation, le volume du numéro, la taille des articles et le choix de les grouper autour d’un sujet, plutôt que d’avoir un dossier bien délimité en témoignent.

L’autre particularité concerne les motivations qui ont poussé la rédaction à procéder ainsi : la société civile, et le monde des ONGD en particulier, pour lesquels le brennpunkt entend jouer le rôle de porte-voix, est sous attaque. Retenons les dérives populistes à travers le monde, le retour de politiques nationalistes, la remise en cause du consensus international sur la lutte contre le changement climatique et certains résultats électoraux, dont celui de Donald Trump comme président des Etats-Unis est probablement le plus marquant, mais pas le seul. Tout cela a changé la donne de façon assez brutale en l’espace de quelques mois.

Le dernier épisode, à l’heure où nous clôturons cette édition, concerne l’échec de la COP29 et le montant dérisoire de 300 milliards que les pays riches sont prêts à mettre dans la balance, alors que, selon le FMI, l’industrie des énergies fossiles a été subventionnée à hauteur de 7.000 milliards dans le monde en 2022.

Dans le microcosme luxembourgeois, cette remise en cause de la société civile s’est fait sentir plus « indirectement » par le traitement de l’affaire dite « Caritas » par l’État et l’annonce par le ministre de la Coopération au développement et de l’Aide humanitaire qu’il n’était plus disposé à signer individuellement des accords de sensibilisation et d’éducation au développement avec les ONGD.

Dans les deux cas, le rôle des organisations de la société civile a été réduit à celui de simples prestataires de services, qui plus est interchangeables. Certes, la disparition de Caritas et de son secteur de plaidoyer a été déplorée, et on a promis aux ONGD qu’on leur laisserait la liberté d’agir dans le cadre d’une grande campagne nationale sur cinq ans, de laquelle on attendrait un impact plus grand que pour des programmes individuels.

Mais alors que les moyens financiers sont là, la pérennité des organisations qui, à leur manière, par leurs partenariats mondiaux, par la multiplication des actions de sensibilisation et par la constance de leur plaidoyer politique, apportent une contribution indéniable au débat démocratique, continue à être mise en cause.

En revanche, les médias dits « sociaux » laissent libre cours à la désinformation sur les grands enjeux de société et à la diffamation de celles et ceux qui s’engagent en faveur des transitions nécessaires. Même si le brennpunkt n’est lu que par un public averti comme l’a laissé entendre notre ministre de la Coopération à la Chambre des députés, il continuera à jouer son rôle d’observateur critique et à proposer des solutions inspirées par une analyse sans concession des faits et adaptées aux défis d’un monde globalisé, où le fossé entre riches et pauvres se creuse au pas de course.

La présente édition du brennpunkt nous donne l’occasion de refaire, en quelque sorte, le point sur notre raison d’être.

Brennpunkt Drëtt Welt est édité par Action Solidarité Tiers Monde
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