Les héros de l’environnement: Interview avec Elisabeth Schneiter

En visite au Luxembourg sur invitation d'Etika asbl, la journaliste française Elisabeth Schneiter a présenté en novembre son livre "Les héros de l'environnement".

Pourquoi avez-vous décidé d’écrire ce livre? Qui sont ces héros de l’environnement?

On entend sans cesse parler de la disparition de la biodiversité et du changement climatique mais il faudrait aussi se rendre compte que les personnes qui essayent d’éviter la destruction des écosystèmes et qui veulent protéger les forêts et les rivières, se font tuer, harceler, mettre en prison illégalement ou enlever alors qu’elles défendent ce qui nous permet de survivre sur la terre.

Les assassinats de défenseurs environnementaux ne cessent d’augmenter chaque année. A quoi est due cette évolution inquiétante?

Ce qui explique qu’on tue toujours davantage ceux qui se mettent en travers des multinationales qui veulent exploiter les ressources de la planète ce sont l’extractivisme et la pénurie de ces ressources. Moins il y a des ressources disponibles, plus les entreprises s’affolent pour faire main basse sur ce qui reste sans partager avec les populations des pays dans lesquelles ces ressources se trouvent. Le plus souvent, les grosses compagnies extractives ont les moyens de faire en sorte que les gouvernements de ces pays leur accordent des privilèges illégaux et créent un régime d’impunité pour ceux qui sur ordre de ces entreprises assassinent les personnes qui essayent d’empêcher une exploitation et un véritable pillage des ressources.

On accuse souvent les défenseurs environnementaux de s’opposer au développement de leur propre pays. Il y a une stigmatisation de leur travail. Faut-il revoir le concept même de développement?

Il faut probablement revoir le concept même de développement, sachant que ceux qui s’opposent sur place au développement qu’on leur impose sont le plus souvent des autochtones qui ont eux géré parfaitement ces ressources pendant des millénaires. C’est nous qui avons à apprendre d’eux et non l’inverse.

Les défenseurs environnementaux se retrouvent dans la plupart des cas face à de grandes multinationales, qui ont un pouvoir économique et politique énorme. Le combat n’est pas égal. Comment peut-on rééquilibrer les forces de pouvoir ?

Tout ce que la société civile occidentale peut faire est extrêmement important dans la mesure où elle dispose encore d’un cadre plus ou moins démocratique et de libertés que d’autres pays n’ont pas. En même temps, les risques qu’on court à commencer des manifestations et même des manifestations « disruptives » comme on les nomme maintenant sont beaucoup plus raisonnables en Europe par exemple qu’en Amérique latine. Par exemple, en Angleterre il y a un nouveau mouvement qui s’appelle « Extinction rebellion » et qui essaye de lancer d’autres formes de manifestations en espérant qu’elles auront plus de succès que celles qui depuis 50 ans n’ont pas apporté de réel changement dans la gouvernance.

Le récent rapport du groupe de travail international sur le changement climatique tire la sonnette d’alarme. Dans ce contexte, pourrions-nous espérer plus de reconnaissance et plus de soutien dans le futur pour le travail des défenseurs environnementaux ?

Je ne sais pas ce qu’on peut espérer. Mais quand il n’y a plus d’espoir c’est là que commence l’action. Il faut agir parce que c’est nécessaire.

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