Gilda Rivera, Centro de los Derechos de Mujeres (CDM), Salvador
Je comprends le changement structurel comme quelque chose de profond, qui modifie les relations et les structures de pouvoir. Ces dernières années nous avons pensé que la révolution sandiniste et l’arrivée de la gauche au pouvoir entraîneraient des changements de ce type mais rien de cela ne s’est produit, le système n’a pas été modifié. Néanmoins, nous continuons à miser sur des transformations.
Après plus de 40 ans d’activisme politique, presque 20 ans en tant que féministe ayant promu des actions de plaidoyer de toutes sortes auprès de différents gouvernements et de l’Etat, je crois que tout changement structurel que nous voudrions réaliser doit être fait grâce à la force collective des organisations sociales et populaires. Cet Etat ou plutôt ces gouvernements et les partis politiques de l’opposition légalement enregistrés ne s’intéressent pas aux changements structurels. Ils aiment déguiser les choses, tromper et actuellement utiliser la force des armes. Ils l’ont toujours fait mais maintenant avec plus d’audace pour imposer leurs intérêts et soumettre tout effort collectif de l’opposition belligérante.
A qui nous adressons-nous ? A la population organisée, aux femmes organisées. Même si nous continuons à faire du plaidoyer, nous n’obtenons pas grande chose avec ce type de gouvernement. Exemple, bien que l’on encourage depuis longtemps diverses actions pour décriminaliser l’avortement, je pense que si des changements se produisaient et qu’on approuvait la dépénalisation de l’IVG, ce que je doute, cela ne serait pas grâce à la volonté des gouvernements mais suite à la pression des femmes organisées. Il n’y a qu’elles pour provoquer ces transformations et même si nous sommes fortes, nous affronterons des oppositions importantes, les Eglises par exemple, comme cela a été le cas en Argentine.
Chris Panerio, MASIPAG, Philippines
Masipag a toujours considéré que le gouvernement n’est pas une organisation monolithique qui n’adopte que des politiques et des programmes contre la population et anti-paysans – oui, même avec la loi de libéralisation du riz et le mépris gratuit des droits humains qui inclut les campagnes de diffamation, le harcèlement et le meurtre pur et simple! Je m’arrête en particulier sur l’exemple de la loi sur la libéralisation du marché du riz : récemment adoptée par le Sénat, elle a été parrainée par un sénateur dont la famille est fortement engagée dans le secteur immobilier et dont le fils est le secrétaire du ministère des Travaux publics et des Autoroutes. Dire qu’il s’agit d’un conflit d’intérêts évident est vraiment un euphémisme ! La loi sur la libéralisation du riz a ouvert le pays au riz importé à bas prix, mettant ainsi les riziculteurs philippins dans une situation désespérée. Par conséquent, de nombreux riziculteurs risquent de faire faillite et si cela se produisait, beaucoup d’entre eux opteraient pour la vente de leurs terres, ce qui ferait le bonheur des promoteurs immobiliers.
Cependant, cet événement récent ouvre aussi des portes pour le plaidoyer ! Masipag et d’autres organisations de masse comme le KMP peuvent travailler avec les collectivités locales et peut-être même avec d’autres législateurs dans les deux Chambres sur la façon d’abroger la loi et de prendre des mesures pour essayer d’aider les producteurs de riz. Les programmes d’aide aux agriculteurs de Masipag visent à les mobiliser afin de lutter, d’une part, pour l’abrogation de la loi et d’autre part à convertir leurs fermes du mode de culture classique au mode biologique et de monoculture en agriculture diversifiée/intégrée.
La stratégie consiste donc à faire participer le gouvernement (qu’il soit local ou national) et en même temps à donner aux populations concernées les moyens d’agir. Au niveau national, nous avons impliqué les autorités en nous mobilisant contre elles. Au niveau des collectivités territoriales, ce sont surtout nos agriculteurs qui font du lobbying car il faut garder à l’esprit que les agriculteurs locaux sont membres de ces collectivités et qu’ils sont donc les lobbyistes les plus efficaces !
Yawovi KUMESSI, Centre d’Action pour le Développement Rural, Togo
Le changement structurel est un processus par lequel la structure d’une entité ou d’un pays est modifiée globalement ou substantiellement, pour atteindre un résultat ou un niveau de vie plus amélioré. A cet effet, l’Etat est investi de compétences nécessaires à opérer ce changement à travers le respect des droits humains et la promotion du développement humain durable. L’Etat central constitue donc le premier interlocuteur dans le processus de changement structurel et doit veiller à cela pour le bien-être de toute la population. Entre autres interlocuteurs, avons-nous aussi les autorités locales, les organisations sous régionales et internationales dont fait partie notre pays et les pays avec lesquels le Togo entretient des relations bilatérales.
Une société civile qui est dynamique et qui bouge constitue une force pour son pays. Elle sert d’intermédiaire entre l’Etat et les populations d’une part et d’autre part, entre les populations et d’autres partenaires techniques et financiers. Si l’Etat ne répond pas alors il faut que la société civile dans sa fonction de veilleur et d’éveilleur s’organise et intervienne pour rappeler à l’Etat son rôle. Une société civile inactive est un boulevard pour l’Etat à faire ce que bon lui semble. Et dans ces circonstances, le respect des droits humains et le développement ne sont pas toujours une priorité. Par ailleurs, des actions doivent être aussi menées de l’extérieur auprès de ces autres partenaires (Institutions sous régionales et internationales, partenaires bilatéraux, etc…) de l’Etat toujours par la société civile pour contraindre l’Etat à opérer ces changements en vue d’un monde plus juste, plus solidaire et plus durable.
Dans son rapport 2019 sur l’état de la société civile, CIVICUS a fait état d’une nouvelle année d’attaques intenses contre les droits fondamentaux. Le rapport identifie les principales tendances qui ont affecté la société civile en 2018 et qui se poursuivront en 2019, notamment les suivantes:
-Attaques persistantes contre la réponse humanitaire
-Répression de l’espace civique des groupes exclus
-Nécessité d’un nouveau regard face au populisme autoritaire
-Prolifération des protestations sur des questions quotidiennes
-Echec économique et la nécessité d’une économie démocratique
-Affaiblissement du multilatéralisme et la fragilisation du système international
-Elections défectueuses et frauduleuses
-Pouvoir croissant des groupes anti-droits humains