Introduction

Le sujet de notre premier numéro, « l’appel à décoloniser », est vaste en termes de voix, de géographies et de littérature. Nous avons dû faire des choix difficiles : soit couvrir une perspective/initiative à partir d’un moment donné et d’une région géographique donnée, soit essayer de saisir le terrain commun à travers les langues et les régions. Nous avons choisi la deuxième option : partager le terrain commun des voix, des géographies et de la littérature avec notre objectif : justice pour « un monde plus solidaire ».

Notre intention est de montrer qu’il ne s’agit pas de la lutte de certaines personnes dans un endroit isolé du monde. Nous présentons la lutte partagée, avec des critiques, des caractéristiques et des valeurs communes, par de nombreuses personnes que l’on peut appeler le « Sud global », les « communautés racisées » et les « peuples Autochtones ». A aucun moment nous n’avons l’intention de les réduire à un groupe homogène. Ils ne le sont pas. Chacun, en fonction de son histoire, de sa géographie et de sa culture, a développé des priorités, des circonstances et des outils différents. Par exemple, une large contribution à l’appel à décoloniser est féministe, mais nous n’avons pas été en mesure de la rendre plus explicite ou de l’approfondir.

Comme les voix et les géographies que nous couvrons sont vastes, nous avons dû faire des choix quant aux concepts que nous utilisons. Nous avons opté pour le concept de « décoloniser » pour souligner qu’il s’agit d’un processus continu, plutôt que d’entrer dans de longs débats sur les concepts de décolonisation et de décolonialité.

Nous avons choisi de continuer à utiliser des concepts couramment employés dans notre travail, tels que les peuples Autochtones, le Sud global et le Nord global. Nous sommes conscients que cela peut paraître éloigné du débat de certaines perspectives et disciplines qui appellent à décoloniser. Prenons un exemple : la lutte dans le Sud global géographique utilise le concept de Sud global comme une communauté politique globale qui inclut le Sud global (les peuples) dans le Nord global géographique. En même temps, la lutte dans le Nord global géographique applique à elle-même et étend la notion de communautés racisées. En y regardant de plus près, les deux concepts, le Sud global et les communautés racisées, se chevauchent. L’objectif de ces deux concepts est d’inclure les luttes des peuples à travers les géographies et les cultures dans le but commun de justice pour « un monde plus solidaire ».

Les deux luttes, au Nord global comme au Sud global, visent la justice. Pour certains, la justice environnementale est si fondamentale qu’elle est prioritaire, tandis que pour d’autres, la justice sociale reste primordiale. Par example, le respect des droits humains est l’objectif primordial de l’appel à décoloniser au Luxembourg, tandis que les appels à décoloniser présentés ici depuis le Sud global sont indissociables de la protection de la terre et de la nature. Les priorités dans le Nord et le Sud global sont les fruits de circonstances particulières. Leurs voix sont essentielles et complémentaires. La critique du colonialisme, de la colonialité et du capitalisme reste vraie, et leur résistance, critique.

Ce numéro spécial est ambitieux, mais aussi humble en reconnaissant ses limites. Notre appréciation du sujet reste en construction, tout comme l’appel à décoloniser lui-même.

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