![]() Le Dr. Yves Ekoué Amaïzo est économiste, expert des relations de développement avec l’Afrique et directeur d’Afrocentricity Think Tank (Vienne). |
Selon l’Organisation de la Coopération et de Développement Économiques (OCDE), l’aide au développement des donateurs officiels a atteint un nouveau sommet de 223,7 milliards de dollars américain (USD) en 2023, contre 211 milliards de USD en 2022, soit une augmentation de 1,8 % provenant principalement des membres du Comité d’aide au développement (CAD) de l’OCDE[1]. L’essentiel de cette augmentation régulière depuis cinq ans a été affecté officiellement pour enrayer la pandémie sanitaire COVID-19, financer le soutien occidental à l’Ukraine, les coûts liés à l’accueil des réfugiés dans les pays donateurs, soit 13,9 % de l’APD totale, et quelques actions humanitaires ponctuelles en Afrique. Mais s’agit-il vraiment d’une aide désintéressée ?
De l’aide publique au developpement (APD) à l’aide liée
Avec une moyenne de 0,37 % du revenu national brut (RNB) des donateurs du CAD, l’APD totale reste en deçà de l’objectif des Nations unies de 0,7 %. En tête, on retrouve la Norvège avec 1,09 % du RNB, le Luxembourg avec 0,99 % du RNB et la Suède avec 0,91 % du RNB, l’Allemagne avec 0,79 % du RNB et le Danemark avec 0,74 %. Loin derrière, on trouve la France avec 0,5 % du RNB et les États-Unis, avec 0,24 du RNB. Plusieurs pays de l’OCDE dont la part de l’APD au RNB est inférieure à la moyenne de 0,37 % du RNB des pays du CAD en 2023 n’ont pas satisfait aux objectifs de l’aide désintéressée. On peut aussi considérer le montant de l’APD en valeur absolue, pour avoir une idée de l’impact des fonds (et l’influence qu’ils confèrent).
En tête on trouve les États-Unis avec 66,04 milliards de USD, puis l’Allemagne avec 36,68 milliards de USD, l’Union européenne avec 26,93 milliards de USD, le Japon avec 16,60 milliards de USD, le Royaume Uni avec 16,11 milliards de USD, la France avec 15,43 milliards de USD. Loin derrière dans le classement on trouve le Luxembourg avec 0,58 milliards de USD[2].
16 pays de l’OCDE octroyant l’APD au développement n’ont pas honoré leur engagement en pourcentage de leur RNB. Il n’est donc pas étonnant que la notion de l’aide liée, totalement absente à l’origine du principe de l’APD désintéressée, soit devenue prégnante.
Aide liée et instrumentalisation du pouvoir d’influence
L’instrumentalisation de l’APD n’est pas un phénomène récent. Depuis la création de l’humanité, il s’agit de différencier entre d’une part, la priorité accordée aux valeurs éthiques ainsi qu’à la valeur accordée à la sauvegarde de la vie humaine et, d’autre part, la priorité accordée aux intérêts particuliers, ce avant tous autres agendas stratégiques, politiques, économiques arrangés en bandes organisées ou pas.
C’est ainsi que l’APD, présentée aux médias comme basée sur des considérations humanitaires, a depuis toujours fait l’objet de manipulations par certains dirigeants publics ou privés, à la tête de gouvernements, d’entreprises, de groupes militaires, mais aussi par les médias voulant influencer et formater l’opinion publique. C’est ainsi que la « justification » des objectifs assignés à l’APD cache souvent une forme de « realpolitik désincarnée[3] » avec des statistiques légitimant une fausse neutralité alors qu’il ne s’agit que de partis pris nauséabonds.
L’aide liée, utilisée pour influencer des États, a trop souvent fait plutôt l’objet de détournement dans les objectifs, faisant plus de victimes que de bénéficiaires, dont il n’est pas question de parler, encore moins de se remémorer l’histoire. C’est surtout le cas quand l’aide liée alimente des conflits armés ou des espaces de déstabilisation avec des groupes armés et des mercenaires financés par des appels de fonds non traçables, ayant pour objectif l’accaparement des richesses du sous-sol en Afrique et ailleurs. La manipulation de l’action humanitaire à grande échelle, ce dans tous les domaines, est une partie intégrante des enjeux de puissances des États dans un monde multipolarisé.
L’aide liée qui transite par certaines entités dites humanitaires sert plus à camoufler les guerres interétatiques délocalisées au point de faire disparaître le droit international au profit des relations internationales d’alliances et de servitudes.
Les échecs des objectifs initiaux de l’aide liée se traduisent toujours par une croissance des inégalités, des méchancetés humaines, plus particulièrement pour celles et ceux qui ont eu le malheur de se trouver au mauvais moment au centre de conflits ou de crises qui les dépassent, dont ils ne perçoivent pas les enjeux, mais subissent dans leur chair, les affres des conséquences létales ainsi que la disruption de leur vie sociale, totalement dépossédés. Une honte pour l’humanité dite « civilisée » !
Ces victimes vulnérables et dépossédées de leur dignité humaine sont l’expression d’une déshumanisation planétaire croissante dans le monde, ce dans l’indifférence des dirigeants d’États dits démocratiques, civilisés et arrogants. La vie d’une victime dépossédée de ses droits en tant qu’humain est « commercialisable ». Elle a un prix fixé par ceux qui considèrent que leurs intérêts bien compris sont supérieurs à la vie de peuples entiers.
La Françafrique a fonctionné sur cette base et semble trouver de nouveaux ressorts pour muter grâce à des Africains adeptes de la servitude volontaire et maintenus au pouvoir contre la volonté des peuples africains, afin de préserver les intérêts étrangers et non ceux des populations africaines. La résistance contre cette souffrance inutile et insupportable d’innocents devient une obligation qui dépasse les frontières coloniales africaines. La survie de millions d’innocents est en jeu. Ne pas s’y atteler, c’est s’autobannir du qualificatif d’humain. L’APD désintéressée s’est muée en une aide liée dès lors que les intérêts des pays à influence forte reprennent le dessus sur la primauté d’une vie humaine. L’aide liée est devenue un instrument comme un autre pour défendre des intérêts géopolitiques et géoéconomiques dans le cadre d’une diplomatie des rapports de force.
L’aide liée et la françafrique : une assurance gagnant-perdant
La Françafrique est une forme institutionnalisée des dérives de la politique de coopération au développement des anciennes colonies françaises. Elle ne peut fonctionner qu’avec des acteurs qui ont des intérêts « bien compris » et les défendent. Il s’agit d’une approche « gagnant-perdant » pour les populations, bénéficiaires en dernier ressort.
Le maillage décisionnel pyramidal des États africains avec l’État français au centre a permis de créer en Afrique des zones d’influences privilégiées au profit de la France. Cela ne peut se perpétuer qu’en s’éloignant de l’éthique, de la vérité des urnes et de la vérité des comptes publics grâce à des relais décisionnels en Afrique. C’est ainsi que l’APD de la France s’est largement inscrite dans la vision du Général Charles de Gaulle qui rappelait en 1961 déjà, un an après les premières indépendances africaines, que « l’on ne pouvait envisager qu’on aide un pays à se développer sans en tirer soi-même des avantages[4] ». Solidarité allait de pair avec intérêt. L’APD n’a pas été conçue comme une aide désintéressée dans les relations de coopération entre la France et les pays africains accédant à l’indépendance.
L’APD était devenue un euphémisme pour parler d’aide liée. Aussi, celle-ci n’avait pas pour objet principal de soutenir les pays bénéficiaires dans leur développement à court ou à long terme. Par contre, elle avait pour objet de rendre tributaires des pays pourvoyeurs, et certains dirigeants africains l’ont monnayé pour accéder et s’accaparer le pouvoir. L’APD, c’est du « donnant-donnant[5] ». Les véritables « premiers » bénéficiaires de l’APD sont les pays riches donateurs, devenus rapidement des créanciers au gré de l’évolution de l’APD, du don vers l’aide liée « remboursable » sous forme de prêts octroyés avec des taux de remboursement contestables pour des projets non effectifs.
Il suffit d’aller chercher les preuves dans :
- les retours sur les engagements d’aide ou d’investissement, notamment grâce à des contrats attribués dans les pays bénéficiaires aux entreprises des pays donateurs ;
- l’influence politique, diplomatique et militaire dans les pays bénéficiaires et dans les enceintes internationales où les voix des pays bénéficiaires sont purement et simplement « adjugées » au pays donateur ;
- la préférence géographique pour les anciennes colonies françaises, principales bénéficiaires de l’APD, avec comme objectif affiché de renforcer les liens militaires, économiques, politiques en qualité d’alliés du ou des pays donateurs ;
- l’aide liée qui impose des conditions liées, à savoir des conditions favorisant les intérêts des pays donateurs, notamment l’achat de biens et services provenant du pays donateur aux conditions de prix fixés par le donateur mais aussi les privatisations dolosives de pans entiers de richesses africaines, ce aux dépens des populations bénéficiaires ;
- le chantage sur l’ouverture de marchés des pays donateurs sans taxes afin de favoriser le commerce des produits des pays bénéficiaires à condition que les transformations et l’industrialisation aient lieu dans les pays donateurs, et à l’inverse, l’ouverture de nouveaux marchés pour les produits des pays donateurs inclus dans des accords commerciaux opaques.
Avec les difficultés d’alternance politique sans heurts en Afrique et l’intrusion des militaires et des services sécuritaires en politique, l’autodétermination des peuples africains dans le choix de leurs dirigeants a été régulièrement empêchée, que ce soit par des coups d’État militaires ou des coups d’État constitutionnels. L’influence et l’ingérence des grandes puissances ne peuvent être exclues. De même que la démocratie a été détournée à des fins de défense des intérêts étrangers avant les intérêts des peuples africains, de même, l’APD est un instrument de donateurs ayant intérêt à ce que le système de l’aide liée, inspirée de la Françafrique, perdure en Afrique. Malgré les discours et les effets d’annonce, la réalité est que peu d’États donateurs ont montré beaucoup d’empressement à s’engager pour mettre fin à l’utilisation de ladite aide, liée ou pas, sans privilégier leurs propres intérêts.
Avec la génération de dirigeants du Nord comme du Sud impliquée dans des relations incestueuses et mafieuses, dissimulées sous l’appellation « diplomatique », il est quasiment impossible de procéder à une traçabilité détaillée et transparente des comptes publiques en Afrique. En parallèle, et mécaniquement, il est souvent difficile de retracer l’utilisation de l’aide publique au développement versée dans le budget de l’État et qui a fait l’objet de véritables détournements, comme récemment les scandales du COVID-GATE[6] dans plusieurs Etats africains ayant des relations privilégiées avec la France. Le Togo[7], le Cameroun[8] et le Sénégal[9] peuvent être cités comme exemples. Mais l’Union européenne n’est pas sans reproche[10].
La Françafrique, cette nébuleuse liée par des principes mercantiles et ésotériques et la loi du silence, continue, – n’en déplaise à ceux qui affirment le contraire sans en apporter la preuve -, à s’adapter dans une Afrique postcoloniale de l’après 1960. Elle coexiste dans un monde multipolaire mais perd du terrain dès lors que la conscientisation des dirigeants africains au service de leur peuple prend le dessus. La volonté de retrouver une souveraineté pleine et entière, ce dans une perspective fédéraliste du panafricanisme oblige de nombreux dirigeants africains à trouver des partenaires alternatifs à ceux qui utilisent l’aide liée comme une arme de maintien dans le sous- ou le mal-développement. L’APD, conçue théoriquement pour réparer l’échange inégal entre le Nord et le Sud, remplit de moins en moins les objectifs d’aide aux populations dans les pays en développement (PED) et avantage de plus en plus les pays donateurs et leurs institutions. Il y a donc bien un détournement des objectifs initiaux.
Les contre-pouvoirs que peuvent constituer les organisations de la société civile (OSC) ne permettent pas de fondamentalement changer la donne, dès lors que certaines de ces OSC sont aussi instrumentalisées, très souvent contre leur gré. Du coup, la Françafrique, officielle ou officieuse, fonctionne comme une assurance de pérennisation de l’instrumentalisation de l’APD liée, bref, une assurance gagnant-perdant, où les donateurs et leurs relais en Afrique sont les principaux gagnants et les bénéficiaires en dernier ressort, à savoir les populations, les principaux perdants. La Françafrique permet d’institutionaliser toutes les formes de dérives. L’APD n’y échappe pas.
La France privilégie l’aide liée pour défendre ses intérêts
Faut-il rappeler que l’APD de la France a diminué de 11 %, atteignant 15,426 milliards de USD, soit 0,50 % du revenu national brut[11] ? Cette baisse est survenue malgré l’engagement pris par le gouvernement français en 2021 de porter la coopération internationale à 0,7 % du revenu national brut d’ici 2025. L’augmentation mécanique de la dette publique de l’État français suite à la hausse des taux d’intérêts a contraint, manifestement sans anticipation, à des coupes sévères de 742 millions d’euros dans le budget affecté à l’APD un mois après l’annonce officielle d’augmentation de ce même budget. La France intervient prioritairement dans le monde dans l’ordre suivant au plan régional : Afrique de l’Ouest, Afrique du Nord et Europe ; et au plan national : Maroc, Côte d’Ivoire et Ukraine. La France intervient dans 133 pays dans le monde pour un montant engagé de 22 605,35 millions d’euros et un montant effectivement versé de 19 296,77 millions d’euros.
Pour la France avec son historique colonial et ses pratiques françafricaines dans l’histoire africaine postcoloniale, l’aide liée s’apparente à une instrumentalisation de la relation postcoloniale entre la France et ses anciennes colonies, et plus globalement avec l’Afrique. Peut-on parler de l’instrumentalisation d’une partie de l’APD de la France ? La réponse est oui !
Mais est-ce que la France est seule à pratiquer cela ? La réponse est non ! Est-ce que son approche n’est pas en train d’influencer de nombreux pays de l’Union européenne, non sans référence à la politique assumée des États-Unis pour l’aide liée ? La réponse est oui, surtout dans le domaine des affectations budgétaires de l’APD pour ériger des barrières migratoires, le fameux blockhaus d’une Europe qui choisit ses immigrés.
En comparant la part que la France réserve aux dons sans contreparties dans son APD ainsi que la part qui est affectée à l’aide liée, notamment les obligations de retour sur investissement pour la France, il est possible de prendre conscience de l’ambiguïté de l’APD de la France. Entre 2021-2022, la part des dons dans l’APD totale de la France est en moyenne de 61,3 % alors qu’elle était de 45,5 % pour l’APD bilatérale française. Cela signifie que pour la même période, la part qui relève de l’APD, mais transite par des instruments de prêts ou des conditionnalités implicites ou pas, relève de l’aide liée, soit 38,7 % pour l’aide totale et 54,5 % pour l’APD totale.
Le Luxembourg comme une réference pour l’aide désinterressée non liée
En comparaison, au lieu d’utiliser la moyenne des pays de l’OCDE membres du CAD comme référence, il convient d’utiliser le Grand-Duché de Luxembourg comme la référence de l’aide non liée. En effet, ce pays octroie à ce jour son APD sans arrière-pensées et sans conditionnalités, soit 100 % des dons pour l’aide totale et 100 % pour l’aide bilatérale. Tout ce qui est inférieur à l’effort consenti par le Luxembourg doit être considéré comme la part consentie pour l’aide liée. C’est ainsi que la part des dons dans l’APD totale de l’Autriche est en moyenne de 95,7 % alors qu’elle était de 91,5 % pour l’APD bilatérale autrichienne ; celle de l’Allemagne est de 84,1 % des dons dans l’APD totale et 80,3 % en bilatéral.
La surprise vient de deux pays, à savoir d’une part, la Corée du Sud, avec 49,9 % des dons dans l’APD totale et seulement 47,7 % en bilatéral et le Japon avec 43,3 % des dons dans l’APD totale et seulement 34,0 % en bilatéral. Si l’on se réfère à la moyenne des pays de l’OCDE membres du CAD avec 85,0 % des dons dans l’APD totale et seulement 81,2 % en bilatéral, il est possible de conclure que plus de 50 % des pays du Nord global sont des adeptes de l’aide liée, à l’exception de ceux qui font aussi bien que le Luxembourg, à savoir le Danemark, l’Estonie, les États-Unis[12], la Finlande, la Grèce, la Hongrie, l’Irlande, l’Islande, la Lituanie, la Norvège, la Nouvelle-Zélande, les Pays-Bas, le Portugal, la Slovaquie, la Slovénie, la Suède, la Suisse et la République tchèque[13].
L’aide liée de l’Union européenne : financer une barrière migratoire
Pour l’Union européenne, c’est le Traité de Maastricht de 1992 qui a fixé les objectifs de « la coopération au développement », puis a été approfondi par le Traité de Lisbonne de 2007. Un nouvel instrument unique de voisinage, de coopération au développement et de coopération internationale (NDICI, en anglais Neighbourhood, Development and International Cooperation Instrument) de l’UE réunissant l’ensemble des instruments européens de développement est entré en vigueur le 14 juin 2021[14]. Articulé autour de trois piliers « géographique, thématique et réaction rapide » et portant sur la période 2021-2027, l’instrument de coopération au développement de l’UE est doté d’un budget de 79,5 milliards d’euros. 75 % (soit 59,62 milliards d’euros) sont affectés aux programmes géographiques. Les parts les plus importante s’élèvent à 29,2 milliards d’euros, soit 36,73 % pour l’Afrique subsaharienne et 19,3 milliards d’euros, soit 24,27 %, réservés pour le « voisinage européen », essentiellement pour une barrière migratoire.
Il faut y ajouter d’autres « aides » comme les programmes de relocalisation et de contingentement des migrants hors de l’espace européen, notamment en Afrique, comprenant aussi le financement du retour des migrants non sollicités en Afrique. Les exemples de l’Allemagne/Turquie, l’Espagne/Maroc, l’Italie/Tunisie, etc. confirment la tendance. Par ailleurs, il ne faudrait pas que la Banque mondiale et le Fonds monétaire international soient utilisés pour faire pression sur des gouvernements souverains, fût-ce « pour la bonne cause », comme pour stopper les lois homophobes en Ouganda et au Ghana.
Conclusion : la solidarité donnant-donnant
La solidarité des pays à influence forte envers les pays à influence faible n’a jamais été ce qu’elle aurait dû être, à savoir : la reconnaissance d’une interdépendance mutuelle[15] qui aurait dû conduire à des formes d’assistance mutuelle sans arrière-pensées entre tous les humains, du seul fait d’être des humains. Or, le fait d’être solidaire, qui est une réalité entre les individus entre le Nord global et le Sud global, l’est beaucoup moins entre les États qui défendent d’abord leurs intérêts. L’instrumentalisation de l’APD par les pays du Nord global à influence forte, unilatéralement interventionnistes dans les affaires du monde, est une réalité dans les faits. La culture du « on ne donne rien pour rien » est officiellement revendiquée.
Mais les pays du Sud global n’ayant pas les mêmes objectifs, n’offrent pas non plus que des exemples probants de solidarité fondée sur l’APD non liée. Il suffit de considérer le surendettement de certains pays africains envers des pays du Sud global[16] pour croire que l’opacité des transactions et l’absence de vérité des comptes publiques limitent les analyses sur les formes instrumentalisées[17] que peuvent prendre l’aide des États les plus influents du Sud global envers leurs homologues moins influents.
Le paradoxe veut que le modèle « françafrique », qui aurait dû disparaitre, semble servir de référence pour une aide instrumentalisée dans l’Union européenne. Ce modèle est paradoxalement réaménagé dans l’espace Eurafrique pour soutenir les barrières migratoires, avec le nouveau Pacte sur la migration et l’asile[18] adopté en avril 2024 par le Parlement européen[19], mais pas que. Il s’agit d’une solidarité donnant-donnant.
Notes :
[1] OCDE (2024). « L’aide publique au développement (APD) ». In www.oecd.org. 16 avril 2024. Accédé le 3 mai 2024. Voir https://www.oecd.org/fr/cad/financementpourledeveloppementdurable/normes-financement-developpement/aide-publique-au-developpement.htm; voir détails sur https://public.flourish.studio/story/2323918/. Il s’agit des flux par donateur comprenant l’APD, l’agenda pour le développement durable des Nations Unies et l’apport du secteur privé.
[2] OCDE (2024). Op. Cit.
[3] Donini, A. (2012). The Golden Fleece: Manipulation and Independence in Humanitarian Action. Foreword of Roméo Dallaire. Kumarian Press : Boulder, Colorado, USA.
[4] Rédaction Tilt (2023). « L’aide liée, c’est quoi ? ». In www.tilt.fr. 04 juillet 2023. Accédé le 30 avril 2024. Voir https://www.tilt.fr/articles/laide-liee-cest-quoi
[5] Rédaction Tilt (2023). Op. Cit.
[6] Jones, C. A. (2022). COVID GATE 2022 – Agenda 21 Uncovered. The Deep State Elite & Big Pharma Exposed. Truth Leak Books 2023-2050.
[7] RDTI et CVU-TOGO-DIASPORA (2022). « Covid-Gate, l’Impossible Vérité des Comptes Publics au Togo : Institutionnalisation du Mensonge d’État par Omission ». In www.cvu-togo-diaspora.org. Accédé le 30 avril 2024. Voir https://cvu-togo-diaspora.org/2023/02/28/covid-gate-limpossible-verite-des-comptes-publics-au-togo-institutionnalisation-du-mensonge-detat-par-omission/19717
[8] Kouagheu, J. (2021). « Au Cameroun, des milliards de francs CFA dédiés à la lutte contre le Covid-19 détournés. La chambre des comptes de la Cour suprême a relevé dans un rapport trente fautes de gestion. Deux ministères sont visés : celui de la santé et celui de la recherche scientifique ». In www.lemonde.fr/afrique. 01 juin 2021. Accédé le 30 avril 2024. Voir https://www.lemonde.fr/afrique/article/2021/06/01/au-cameroun-des-milliards-de-francs-cfa-dedies-a-la-lutte-contre-le-covid-19-detournes_6082404_3212.html
[9] Ba, D. (2024). « Rebondissement dans l’affaire Covidgate : 10 ministres visés par une requête devant la haute Cour de justice ». In . 2 avril 2024. Accédé le 30 avril 2024. Voir https://www.senenews.com/actualites/rebondissement-dans-laffaire-covidgate-10-ministres-vises-par-une-requete-devant-la-haute-cour-de-justice_489766.html
[10] Martuscelli, C. & Braun, E. (2024). “European prosecutors take over Belgian probe into Pfizergate. European Public Prosecutor’s Office looking into texts between Ursula von der Leyen and boss of Pfizer”. In www.politico.eu. 1 April 2024. Accessed 30 April 2024. Retrieved from https://www.politico.eu/article/pfizergate-covid-vaccine-scandal-european-prosecutors-eu-commission/
[11] OECD (2024b). “Official Development Assistance, Grant equivalent measure 2023, preliminary data, V2”. In view.officeapps.live.com. Accessed 30 April 2024. Retrieved from https://view.officeapps.live.com/op/view.aspx?src=https%3A%2F%2Fwebfs.oecd.org%2Foda%2FDataCollection%2FResources%2F2023-preliminary-data.xlsx&wdOrigin=BROWSELINK
[12] Les Etats-Unis ont d’autres moyens pour influencer ou imposer des conditionnalités aux bénéficiaires de l’aide ou de l’assistance américaines.
[13] OCDE (2024a). “Long-term ODA. Longterm-ODA.xls (live.com). 11 April 2024. Accessed 4 Mai 2024. Retrieved from https://view.officeapps.live.com/op/view.aspx?src=https%3A%2F%2Fwebfs.oecd.org%2Foda%2FDataCollection%2FResources%2FLongterm-ODA.xls&wdOrigin=BROWSELINK ;
[14] Vie publique de la République française (2021). La politique d’aide au développement de l’UE ». In www.vie-publique.fr. 22 mars 2021. Accédé le 2 mai 2024. Voir https://www.vie-publique.fr/fiches/20397-en-quoi-consiste-la-politique-daide-au-developpement-de-lue
[15] Amaïzo, Y. E. (1980). De la dépendance à l’interdépendance. Mondialisation et marginalisation. Une Chance pour l’Afrique ? Editions l’Harmattan : Paris.
[16] Sembène, E. (2023). « Surendettement: voici les 21 pays le plus menacés en Afrique, selon la CNUCED ». In afrique.le360.ma. 24 avril 2023. Accédé le 8 mai 2024. Voir https://afrique.le360.ma/economie/surendettement-voici-les-21-pays-le-plus-menaces-en-afrique-selon-la-cnuced_D34TIQPBCVDLXE7W7IHLKBOGG4/
[17] UNCTAD (2024). Trade and Development Report Update. April 2024. UNCTAD/GDS/INF/2024/1. 16 Apr 2024. UNCTAD: Geneva. Accessed 4 May 2024. Retrieved from https://unctad.org/publication/trade-and-development-report-update-april-2024
[18] Commission européenne (2020). « Paquet «Migration et asile»: documents du nouveau pacte sur la migration et l’asile adoptés le 23 septembre 2020 ». Accédé le 4 mai 2024. voir https://commission.europa.eu/publications/migration-and-asylum-package-new-pact-migration-and-asylum-documents-adopted-23-september-2020_fr
[19] Tedesko, P. (2024). « Les députés approuvent le nouveau pacte sur la migration et l’asile ». Communiqué de presse. Session plénière du 10 avril 2024. In https://commission.europa.eu/strategy-and-policy/priorities-2019-2024/promoting-our-european-way-life/migration-and-asylum/pact-migration-and-asylum_fr