David Hoffmann – Les luttes des syndicats et de ceux qui défendent les droits des travailleurs et les droits humains dans les pays du Sud global sont très différents de ceux menés par des acteurs similaires dans les pays du Nord global. Dans le cadre d’une recherche exploratoire sur la manière de repolitiser les discussions ici dans le Nord global et aussi au Luxembourg, j’ai contacté M. Jorge Acosta Orellana. Le contact a été établi via Acción Ecológica, un partenaire de longue date de l’ASTM.

1. M. Acosta Orellana, vous êtes équatorien, défenseur des droits du travail et des droits humains, fondateur et aujourd’hui coordinateur général du syndicat de branche ASTAC. Pourriez-vous décrire et expliquer brièvement les raisons et contextes personnels et plus généraux qui vous ont amené à plaider pour et à défendre les droits des travailleurs et, plus généralement, les droits humains ?

Bonjour, après avoir fait une licence de pilote, j’ai été pilote militaire puis pilote civil, avant de devenir pilote spécialisé dans l’aviation agricole. En 2007, j’ai eu des problèmes de santé, car lorsque je pulvérisais les plantations de bananes, j’avais une sensation de tachycardie et une vision floue. J’ai pensé qu’il s’agissait d’un problème cardiaque. J’ai donc consulté un médecin spécialiste qui m’a dit que ce n’était pas le cas, ce qui m’a fait penser que c’était peut-être l’exposition aux pesticides qui m’affectait. J’ai découvert que celui que nous utilisions le plus, MANCOZEB, était un pesticide pour lequel l’Agence de protection de l’environnement des États-Unis avait imposé de sévères restrictions d’utilisation et que les symptômes que j’avais étaient liés à l’exposition à ce pesticide. Quand j’ai parlé à mes collègues et que nous avons découvert que beaucoup d’entre eux avaient les mêmes symptômes que moi, j’ai porté plainte. Ensuite les travailleurs des plantations de bananes m’ont approché et m’ont dit qu’en plus des problèmes de santé, ils avaient des problèmes parce qu’on ne respectait pas leurs droits du travail. En 2009, j’étais alors d’abord à la tête d’une action en justice de 600 travailleurs et habitants vivant proche des plantations de bananes contre les producteurs de MANCOZEB et ceci devant les tribunaux à Washington, aux États-Unis. Le plus important dans tout cela, c’est que cela m’a permis de connaître la réalité des travailleurs du secteur bananier qui non seulement affecte leur santé mais aussi viole leurs droits humains. À partir de ce moment-là, j’ai cru que la solution était de les [travailleurs du secteur bananier] organiser en syndicat. Cependant, ils avaient beaucoup de griefs à propos des syndicats, des syndicats d’entreprise, qui existaient déjà et qui étaient censés les défendre. Par conséquent, nous avons décidé de créer un syndicat par branche[1]. Au début, nous avons créé des associations de travailleurs par secteur de résidence, qui se réunissaient au sein de ce que nous appelions alors la Coordinadora de Trabajadores Bananeros (Coordination des travailleurs du secteur bananier), qui est devenue l’ASTAC en 2014.

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