Oxfam France –
Je signe l’initiative Pas de Profit sur la Pandémie
Il y a un an, l’Union européenne se dirigeait vers une deuxième période de confinement strict pour protéger sa population du coronavirus. Aujourd’hui, il y a de l’espoir : Plusieurs vaccins efficaces contre la COVID-19 sont arrivés. Mais pas pour tout le monde.
En septembre 2021, les nations les plus riches, qui ne représentent que 13 % de la population mondiale, avaient administré 90 % de toutes les doses de vaccin disponibles. Seuls 2,3 % des habitants des pays à faible revenu avaient reçu au moins une dose.
L’ampleur de l’inégalité d’accès aux vaccins contraste fortement avec la réussite scientifique du développement du vaccin et sera probablement considérée comme le plus grand échec de la réponse à la pandémie de Covid-19. Tel est le message clair du secrétaire général des Nations unies, António Guterres, qui s’est adressé à l’Assemblée générale des Nations unies cette semaine : « Nous avons réussi l’épreuve scientifique, mais nous avons obtenu une note insuffisante en éthique ».
Garantir un accès juste et équitable à des vaccins et des traitements sûrs est l’un des plus grands défis d’aujourd’hui.
C’est pourquoi 375 organisations européennes soutiennent l’initiative citoyenne européenne Pas de Profit sur la Pandémie. Ensemble, elles ont l’ambition d’encourager un million de citoyens européens à signer une proposition législative adressée à la Commission européenne.
L’Union européenne a commandé suffisamment de doses pour vacciner deux fois sa population. S’il est normal qu’un pays cherche à protéger ses populations, ceci ne doit pas se faire au détriment du reste de l’humanité. Pour sortir d’une crise qui touche l’ensemble de la planète, la coopération doit donc l’emporter sur la compétition.
Nous sommes engagés dans ce combat et chacun.e d’entre nous peut se mobiliser en soutenant la grande initiative citoyenne européenne lancée en novembre 2020 pour que notre santé passe avant les profits des laboratoires.
L’initiative citoyenne européenne : Pas de profit sur la pandémie
Qu’est-ce qu’une initiative citoyenne européenne ?
Les citoyens et citoyennes de l’Union européenne ont le droit de s’adresser directement à la Commission européenne via une initiative citoyenne européenne (ICE) afin de proposer une modification législative concrète. Pour qu’une initiative soit prise en considération par la Commission, l’initiative doit récolter les signatures d’un million de citoyens dans au moins un quart des Etats membres de l’UE. En d’autres mots : un outil démocratique puissant.
Pourquoi une initiative citoyenne européenne sur les vaccins ?
Avant même que les campagnes de vaccination aient débuté en Europe, la question du manque de transparence autour des contrats passés par la Commission européenne avec les laboratoires posait déjà problème. Malgré l’énorme contribution financière à la recherche et au développement de vaccins Covid-19 sûrs et efficaces, il y a très peu de contrôles et de conditions demandés en échange de tous ces milliards des contribuables. Il était, par ailleurs, évident que les nations les plus riches monopolisaient les futures doses au détriment du reste de la population mondiale.
Le 30 novembre dernier, une ICE a ainsi été lancée par diverses organisations du continent : ONG, syndicats, associations de soignant.es, partis politiques, mouvements étudiants. Ensemble, ils espèrent mobiliser un million de citoyens européens pour obtenir une réponse de la Commission concernant un accès équitable au vaccin.
Cinq raisons de soutenir l’initiative citoyenne européenne
N° 1 : Protéger tout le monde à égalité
En mai 2021, le directeur de l’Organisation mondiale de la santé avait qualifié l’inégalité d’accès aux vaccins Covid-19 de situation d’ « apartheid vaccinal ». Nous sommes dans un système à double vitesse qui laisse des millions de personnes sans accès aux vaccins. En septembre 2021, les nations les plus riches, qui ne représentent que 13 % de la population mondiale, avaient administré 90 % de toutes les doses de vaccin disponibles.
Si l’on continue sur cette dynamique, les pays les plus pauvres ne pourront tout simplement pas vacciner leurs populations avant 2023. Au rythme actuel, certains pays pourraient même avoir besoin de 57 années supplémentaires pour atteindre un taux de vaccination de 75 % !
Donner l’accès aux vaccins à tous ceux qui en ont besoin n’est pas seulement une question de justice et d’égalité, mais c’est aussi une question de bon sens face à une épidémie qui est planétaire. Dans un monde de plus en plus interconnecté sur le plan économique, politique et social, laisser les transmissions et les décès se poursuivre exacerbe l’impact de la pandémie mondiale pour tous. Nous ne mettrons fin à la crise que lorsque la propagation du virus sera contrôlée dans le monde entier.
N° 2 : Garantir la transparence et restaurer la confiance
Beaucoup de méfiance s’est exprimée ces derniers mois autours de vaccins qui représentent pourtant un de nos meilleurs espoirs pour sortir de la pandémie. La rapidité sans précédente dans leur développement et ce souvent sur la base de nouvelles technologies innovantes a pu provoquer des questionnements légitimes d’une partie de la population. Il faut répondre à leurs doutes avec la plus grande des transparences.
Or, la Commission européenne qui a reçu le mandat de la part des Etats membres de l’UE de négocier avec les entreprises pharmaceutiques l’achat de doses de vaccin se cache derrière une opacité dangereuse. Nous exigeons la transparence sur les contrats signés avec les laboratoires, sur la détermination des prix de vente, sur le montant des fonds publics utilisés pour le développement de ces vaccins, sur les conditions négociées dans les contrats et sur les résultats de la recherche et des essais cliniques. Condition sine qua non pour restaurer la confiance avec les citoyens et les citoyennes.
N° 3 : Exiger un contrôle public de l’utilisation des fonds publics
Depuis le début de la crise sanitaire, les Etats à travers le monde ont mobilisé près de 10 milliards de dollars d’argent public pour financer la recherche et le développement des vaccins et autres traitements contre la COVID-19. Sanofi, la grande entreprise pharmaceutique française, a ainsi reçu 200 millions d’euros de l’Etat français et 2,1 milliards des Etats-Unis pour la mise au point d’un tel vaccin.
Mais il y a très peu de contrôle et de conditions demandées en échanges de tous ces milliards. Les laboratoires restent libres de fixer leur prix sur la vente des doses de vaccin qui vont de 3 dollars à plus de 30 dollars la dose. L’entreprise américaine Pfizer, dont le vaccin mis au point avec l’Allemand BioNTech fut l’un des premiers à être administré, pourrait ainsi faire une marge bénéficiaire de 20 à 30% ! La pandémie a fait de son PDG, Albert Bourla, un milliardaire. Alors que des millions de personnes meurent du COVID-19 et que jusqu’à 500 millions d’individus dans le monde pourraient sombrer dans la pauvreté dues aux conséquences économiques de la pandémie, de tels profits seraient indécents.
N° 4 : Privilégier la coopération sur la compétition
Face à un défi commun, seule une réponse commune basée sur la coopération la plus large pourra nous permettre de surmonter cette crise. Beaucoup d’entre nous y contribuent en faisant des sacrifices au quotidien. Mais le statu quo de la concurrence entre les grandes entreprises pharmaceutiques n’a pas encore fait de sacrifice similaire. Cette concurrence est permise par le système des brevets et des droits de propriété intellectuelle qui garantissent aux laboratoires qui mettent au point traitements ou vaccins le monopole sur leur production, leur commercialisation et la fixation de leur prix. Ainsi aujourd’hui, malgré les besoins énormes en termes de production de doses de vaccin, seul Pfizer a le droit de produire son vaccin aux seules fins de garantir ses bénéfices.
C’est ce même système qui pendant des années a empêché des millions de personnes séropositives ou atteintes du SIDA d’avoir accès aux traitements pouvant sauver leurs vies. Ce système de concurrence doit être remis en cause pour permettre à tous les pays qui disposent des capacités de pouvoir produire ces vaccins. Et ce d’autant plus que leur mise au point a été en grande partie possible grâce à l’argent public. De telles démarches ont été entamées par l’Inde et l’Afrique du Sud au sein de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) pour suspendre les accords sur la propriété intellectuelle. Mais les pays riches, Union européenne en tête, s’y opposent depuis des mois. Depuis l’été dernier l’OMS a également mis au point la plateforme C-TAP pour permettre la mutualisation des droits de propriété intellectuelle. Mais aucun laboratoire n’a pour le moment volontairement accepté d’y participer. La mutualisation des droits de propriété intellectuelle permettrait pourtant d’augmenter considérablement les capacités de production et donc d’accélérer potentiellement les campagnes de vaccination dans le reste du monde. Comme le soulignait la revue Nature en mars : « L’argument le plus fort en faveur d’une levée temporaire des brevets est sans doute qu’ils n’ont jamais été conçus pour être utilisés lors d’urgences mondiales telles que des guerres ou des pandémies. »
Les bénéfices des laboratoires valent-ils réellement plus que nos vies et notre santé ?
N° 5 : La charité ne suffit pas
Les dons actuels ne permettront pas de fournir le nombre de vaccins nécessaires et ne feront qu’accentuer un déséquilibre de pouvoir entre pays riches et pays pauvres, fondé sur le paternalisme et la dépendance, les bases du colonialisme. Compter sur les dons pour atteindre l’équité mondiale en matière de vaccins est une situation absurde, quand on sait que l’Inde produit 65% de tous les vaccins dans le monde, mais n’obtient pas l’autorisation de fabriquer les vaccins Covid-19 en raison des brevets.
Les pays du Sud ont eu dès le départ un accès inégal aux vaccins. Ceux qui voulaient acheter des vaccins étaient concurrencés par les grandes puissances du Nord. Covax a été créée dans le but de vacciner cette année le personnel de santé et les groupes vulnérables des pays à faible revenu, mais les dons des nations participantes (qui ont peut-être elles-mêmes reçu des vaccins de Covax) ont été nettement inférieurs à leurs promesses.
À peine 15 % des plus d’un milliard de doses promises par les pays à revenu élevé sont arrivés en Afrique. Il manque un demi-milliard de vaccins pour atteindre l’objectif déjà modeste de Covax. Pire encore, l’UE importe plus de vaccins d’Afrique qu’elle n’en donne en termes nets. Des recherches menées par le New York Times révèlent que Johnson&Johnson a fait pression sur le gouvernement sud-africain pour qu’il exporte des vaccins vers l’UE, alors que ce pays était l’un des plus touchés par la pandémie.
Nous avons le pouvoir
En tant que citoyens européens, nous avons le pouvoir de changer cette situation. C’est grâce à la pression publique que la Commission européenne a commencé à publier certains de ses contrats avec les laboratoires. Et pendant la crise du VIH, une mobilisation publique massive a contraint les laboratoires à renoncer à leur monopole.
Lorsque nous atteindrons un million de signatures, la Commission européenne sera légalement tenue de répondre à nos demandes de transparence, de responsabilité et d’égalité d’accès à ces vaccins. Ensemble, nous pouvons faire en sorte que tout le monde, partout, soit en sécurité. Car personne n’est en sécurité tant que nous ne le sommes pas tou.te.s.
Signez l’initiative citoyenne européenne dès aujourd’hui en vous rendant sur le site www.noprofitonpandemic.eu
Partagez-la avec le plus grand nombre de vos contacts.
Notes/Sources:
- https://www.oxfamfrance.org/communiques-de-presse/une-petition-europeenne-veut-contraindre-lunion-europeenne-a-plus-de-transparence-sur-les-futurs-vaccins-et-traitements-contre-la-covid19/
- https://www.oxfamfrance.org/financement-du-developpement/5-raisons-de-soutenir-linitiative-citoyenne-europenne-sur-les-vaccins/