Le 25 septembre de cette année marque le dixième anniversaire de l’adoption des Objectifs de développement durable (ODD / Sustainable Development Goals, SDGs). Plutôt qu’une occasion de célébration, ce jalon met en lumière un bilan mitigé et suscite une forme d’inquiétude. Car, alors que les ODD avaient été conçus comme des aspirations partagées, leur anniversaire souligne aujourd’hui surtout les fractures qui traversent le système international.
Pensés dès 2015 comme une réponse unifiée à des problèmes multiples et interconnectés, ils trouvent en 2025 un écho particulier. L’environnement actuel confirme l’hypothèse d’une « polycrise » : une dynamique où des crises systémiques – sociales, climatiques, économiques et géopolitiques – s’entremêlent, se nourrissent et s’amplifient mutuellement. Ce constat met en évidence le besoin urgent d’une coopération internationale plus intégrée.
Les contributions de ce dossier explorent ces enjeux sous différents angles. Elles commencent par un état des lieux mêlant chiffres et émotions, qui ouvre à la fois sur une rétrospective et sur une projection des défis à venir. La voix d’une jeunesse désabusée face à l’échec de la coopération internationale résonne aux côtés d’un retour sur la genèse des ODD et des motivations de 2015, relues à la lumière des développements récents.
Viennent ensuite des illustrations concrètes de la polycrise, où l’interdépendance des crises se fait tangible : régressions des droits de genre, souvent accompagnées d’un recul parallèle d’autres libertés civiles et sociales ; impacts croisés du changement climatique, des migrations, des inégalités éducatives et des conflits armés ; spirale de l’insécurité et fragilisation des structures de gouvernance. Dans ce tableau, chaque crise renforce la suivante. Les contributions pointent du doigt non seulement la nature auto-amplifiante de ces dynamiques, mais aussi le risque de concentrer l’attention politique sur de faux problèmes, plutôt que sur les leviers qui comptent réellement.
Deux autres contributions élargissent la perspective. L’une souligne l’absence persistante de coopération sincère en matière de financement du développement : au lieu de soutenir une dynamique de solidarité, le système demeure piégé dans un cercle vicieux, conditionné par des intérêts divergents. L’autre propose une réflexion plus structurelle sur les logiques sous-jacentes au système onusien de la coopération et aux ODD, appelant à une véritable réinvention de l’approche multilatérale.
Car la polycrise n’exacerbe pas seulement les défis existants : elle les révèle. Face à ce « cocktail » de crises auto-amplifiées, il faut renouer avec une coopération internationale centrée sur l’humain, enracinée dans la justice et la solidarité, et capable de catalyser les synergies plutôt que de se perdre dans ses replis.